Combat contre le cancer c’est comme finir le Vendée Globe

LEGLOAHECJean-Mich'
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Combat contre le cancer c’est comme finir le Vendée Globe

Messagepar LEGLOAHECJean-Mich' » ven. 5 mars 2021 10:27

Février 2021
Cancer qu’ça casse ou qu’ça passe ?

(Quand est-ce que ça casse ou que ça passe ?)

En mars 2021, je vais fêter ma 63ième chimio et au vu des résultats escomptés, ça devrait perdurer pour atteindre 67 séances en mai autant que mon âge cette année (si je peux doubler ma bouée-anniversaire en Octobre ?). Si j’y ajoute la vingtaine de traitements au cours desquels je sortais du « Port de l’Onco » avec dans ma « godaille », ma copine « La Pompe » chargée de chimie que je supportais 2 jours à la maison, ça doit bien faire plus de 80 jours de navigation sur la
« Mer du Cancer ».

C’est un peu mon « Vendée Globe » à moi qui a commencé le 1ier avril 2017 par une mauvaise analyse météo médicale. Et, j’ai l’intention de continuer à me battre pour arriver un jour à bon port, au bout de cette compétition contre les « éléments », face à ces tumeurs sous marines qui sournoisement progressent et essayent de détruire ma coque.

Depuis cette date, en plus de ces chimios invasives et destructrices de toutes cellules (les mauvaises d’abord et les bonnes aussi !), j’ai subi une trentaine de « VHF-thérapie » (Rayons) et j’ai même réussi à m’introduire dans un essai clinique pour expérimenter un traitement. Pendant 3 mois, fin 2020, j’ai pris tous les jours un médoc ciblant le crabe dans le Pancréas pour, je l’espère, un résultat positif au niveau de la Recherche mais négatif dans ma « banette ». Et donc, à l’issue, retour au Port de la Chimio classique.

Il faut être volontaire et optimiste pour continuer à « tirer des bords » afin d’atteindre le Bon Port malgré les différentes tempêtes traversées que sont les fatigues, les douleurs, l’impression de devenir inutile, les digestions délicates voire exfiltrées, le métabolisme global dérangé, les crampes, la perte de cheveux qui te fait ressembler à Schrek le matin quand tu te découvres dans le miroir de la salle de bain. Il y a même les ongles qui déconnent en ce moment. C’est la première fois de ma vie que je les vernis *. A l’achat de ce produit, la jeune pharmacienne de mon magasin, devenu préféré depuis 2017 (VIP oblige !), m’a proposé du vernis rouge ! Comme quoi, on peut faire de l’humour avec les malades, c’est sympa. J’ai répondu que déjà mes petites filles vont être surprises de me voir vernir les ongles, alors il vaut mieux le choisir transparent ! On prend certaines situations avec humour comme pour conjurer le « Mauvais Temps ». Mais il y a des « Avaries » que la durée de la maladie provoque au sein de « l’équipage familial ». Ce sont les plus dures à encaisser car on les a, sans le vouloir, provoquées et on s’en veut d’être le fauteur de trouble, l'empêcheur des voyages et de bien des situations familiales heureuses qui sont du coup freinées !

* En fait, ce n’est pas tout à fait vrai. Quand j’ai rencontré mon épouse j’étais habillé en femme, lors d’une soirée déguisée. Moustache rasée et vétu d’une longue robe noire, mes sœurs m’avait consciencieusement vernis les ongles !


Au premier niveau de la cellule familiale, le couple prend des « coups de tabac ». Dans un ménage à deux, le crabe, en permanence dans les têtes, impose sa présence. Le ménage devient à trois ! C’est autant compliqué à vivre pour l’autre que pour le porteur de l’intrus.
Dans cet inventaire des dommages collatéraux, j’en passe car le propre du voyageur est de passer les Caps difficiles pour profiter, dès les accalmies, de la famille, des petits enfants, de faire un peu de sport, des voyages, des amis, etc… Parfois, on se provoque, on se défie pour se prouver qu’on est encore capable de réaliser des efforts physiques comme tourner la terre du potager à la pelle, à l’ancienne ou monter sur le toit pour ramoner la cheminée…

D’autres Caps sont des objectifs durant cette compétition vers la vie. Ce sont les Scanners (10), Tep Scann (3), IRM (3), Echo-doppler (4) et autre tomocintigraphie. A chaque fois que l’on « double ces Caps », on les a attendus mais on balise, on espère que les résultats seront à la hauteur des efforts fournis. Et parfois, on retombe à la flotte pour très vite remonter à bord et reprendre la course, le combat.

En plus, on inquiète son entourage « sur les pontons » : « Comment ça va ? » C’est gentil, c’est sympa, ça part d’énormes sentiments de solidarité et de volonté d’écouter, d’aider mais, que c’est pénible la répétition de ces questions ! On comprend, alors on répond « ça va » ou « mieux qu’hier ». On n’a pas envie de s’étendre sur le sujet, de faire partager ou transférer la douleur et la souffrance avec les proches parce qu’on a été élevé comme ça, nourri ainsi. Pour eux, c’est déjà assez difficile à supporter. Pourquoi leur ajouter une douleur morale ? Pour eux, pas besoin de la météo, ils le savent et ils la vivent au quotidien. On se bat mais on n’oublie pas qu’à l’issue de cette compétition, on n’a pas la certitude de passer la ligne d’arrivée en bon état. On pourrait en parler à un psy, qui vous écouterait aller vers votre destin.

Son destin, on le perçoit lucidement, on l’appréhende mais on essaye d’en faire abstraction parce qu’on a décidé de se bagarrer. Mais parfois les évènements vous ramènent à des réalités comme cette situation assez drôle, avec un ambulancier. Tout en vous transportant, il engage le dialogue, c’est humain, et comme dans un « message radio », vous interroge : « Ok, au Port de la Chimio ! Mais à quel Cancer vous êtes apponté ? » (ce n’est pas le texte exact). Quand on répond : « Pancréas », on entend un bref commentaire du type : « Ah quand même ! » qui fait pointer les connaissances médicales de l’interlocuteur. Même les films ou séries TV vous ramènent à certains naufrages : l’autre jour, face une série TV bateau, comme on en voit malheureusement de plus en plus, je disais à ma chérie : « Au Cahier des Charges du scénario, pour brasser le plus de public possible, il faut maintenant en plus d’avoir égalité hommes –femmes, il doit y avoir au moins un couple d’homosexuels (elles) et, si un personnage doit être condamné par la maladie, on lui colle un Cancer du Pancréas. C’est le plus expéditif ! ».

Ce Cancer était, semble-t-il, peu courant ou peut-être moins répandu que d’autres Cancers. Du coup, il semble qu’il était un peu en recul par rapport à la Recherche. Et sa prolifération récente semble avoir déclenché quelques essais cliniques. Donc les labos peuvent voir poindre un joli marché à l’étrave de leur bâtiment. Mais au large de cette idée mercantile, il faut se battre aux côtés des nobles Institutions qui se bougent mais naviguent dans des mers pas toujours calmes. Il leur faut du vent (pas de la tempête) pour faire avancer la Recherche. N’hésitons pas à les aider. Je pense à la Ligue Contre le Cancer entre autres.

C’est étonnant car, quand on fait un point, on se dit, j’étais là et maintenant je suis ici. Qu’ai-je parcouru ? Au départ, je pensais avoir une maladie banale. On vous soigne, on vous refait le carénage et on peut repartir vers d’autres horizons. Malheureusement, le crabe a pondu des œufs qui se développent et il faut repartir à la guerre.

Au début, j’ai même minimisé la maladie, comme pour la réfuter. Quand j’allais en chimio à une alternance arrêtée à l’avance, j’essayais de relativiser et pour viser une période sans soins nous permettant de voyager, j’essayais de négocier avec l’onco. Je l’ai comparé à une Agence de Voyage ou une Compagnie d’Aviation dans laquelle les dévouées infirmières seraient Hôtesses de l’Air !

Durant ce combat, cette compétition, ce voyage, on croise d’autres navigateurs dans une ambiance lourde, pesante. Le plus compliqué, c’est de croiser des plus jeunes. Pourquoi eux ? Le service Onco est à l’image d’un Port avec parfois des départs sans retours. Des êtres qui gardent le moral car ils se battent mais connaissent l’issue. Et dans cet environnement, il y a mes « Hôtesses de l’Air ». Quelle force, quelle générosité, que d’attentions auprès de leur « patients-voyageurs », elles méritent mille fois notre considération…

J’ai mes propres infirmières à domicile. Disponibles et souriantes, week-end compris, elles suivent et aident leurs « patients-voyageurs » avec efficacité. En fait, le système de soins est quand même assez remarquable en France et surtout accessible et efficace. Une personne du corps médical me disait, alors que je me plaignais de la permanence de la maladie : -« Il ne faut pas trop se plaindre, d’une part, vous vous en tirez plutôt bien » (car il avait vu un patient comme moi à la même époque qui était déjà parti). Et d’autre part, si j’étais aux USA, je commencerais par vendre ma maison pour me payer les soins chimiothérapiques »

Dans une démarche de vie, ou de survie, il y a des moments clés qui marquent et qui restent ancrés dans les souvenirs avec force détails. Comme ce 1ier Avril 2017, dans un Laboratoire, à la lecture de mes mauvaises notes médicales, j’ai repéré un vilain crabe « dans mon casier ». Pas besoin d’être médecin pour comprendre. Aujourd’hui, je pourrais décrire la salle d’attente comme si j’y étais encore ! Et là, j’ai commencé le combat pour « naviguer » le plus loin possible et voir un jour la ligne d’arrivée.
Jean-Michel LE GLOAHEC

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