Lettre d'adieu à mes cheveux

[Sylviane]

Je vous ai eu longs, courts, mi-longs, très courts. Je vous ai décolorés à l’eau oxygénée, lavés à la camomille, pour éclaircir ce brun que je trouvais commun.
Je vous ai enduit d’argile, d’huile, de henné neutre et moins neutre. Je vous ai toujours aimé. Vous êtes épais, nombreux. Parfois, c’est vrai, vous m’énerviez un peu lorsque vous me tombiez dans les yeux. Ah, j’oubliais, je vous ai fait friser, pour changer.
A la naissance de mon fils, quelques-uns d’entre vous sont devenus blancs, j’ai aimé cela. Au fil des ans, il y en avait de plus en plus, sur le devant, d’une qualité encore plus épaisse. Jamais je n’ai tenté de vous camoufler, vous faisiez partie de ma personnalité.
Et puis le cancer s’est déclaré ; Après l’opération et les analyses de la petite tumeur, il s’est avéré qu’une chimio serait vraiment bien, pour consolider ma guérison. J’ai accepté, tout en sachant que je pouvais vous perdre. Je suis allée chez un perruquier, me disant que cela me permettrait de changer de coupe. J’avais vraiment l’espoir de vous garder, vous savez ? Même si d’un côté, en adoptant une perruque, je vous laissais tomber.
Il y a deux jours, en vous lavant à l’hôpital, c’est par poignées que vous vous êtes détachés. Comme c’est dur ! Je n’osais plus vous toucher !
Oui, j’ai pleuré. Pleuré ce symbole de féminité, de liberté, même si je sais que vous allez repousser. Demain je vais chercher ma perruque, qui me plaît beaucoup. Avec des mèches blanches, assez courtes. Fini les beaux reflets auburn.
Et la question : comment allez-vous repousser ? Tout blanc, ou avec de nouveau du brun-roux ? Encore une fois je vais devoir patienter. Si mes calculs sont bons, vous devriez réapparaître fin mai, début juin. Pour mon anniversaire, en somme ; quel beau cadeau ! Alors je garde cela en tête et dans mon cœur, je me réjouis de vous sentir repousser, aussi beaux et aussi forts qu’avant.
MERCI.

8 mars 2018